Soumis par Annie Dhénin le
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Le tombeau de marbre de Louis de Seyssel-La Chambre et de ses épouses.
1ères années du 16e siècle
Corinne Charles (1999), Vittorio Natale (2002) ont montré combien la sculpture savoyarde est restée à l’écart du courant de la Renaissance. Le tombeau disparu de Louis de Seyssel à La Rochette fait exception.
Vidomne de Genève jusque vers 1481, puis gouverneur et lieutenant général de Savoie et, enfin, chambellan du duc de Savoie et du roi de France Louis XI en 1485, Louis de Seyssel appartenait à l'élite savoyarde. Il a participé à la vie des cours princières européennes.
Sa première épouse, Jeanne de Chalon, meurt quelques jours après la libération de son époux, en septembre 1483 ; elle est enterrée aux Carmes, où reposent déjà les parents de Louis. La deuxième épouse, Anne de La Tour Boulogne, décède à La Rochette en octobre 1512. À sa mort, en 1517, Louis est inhumé avec ses deux épouses dans un mausolée en marbre noir et blanc : le décès de Louis de Seyssel est contemporain de la construction de l'église de Brou.
La Révolution a détruit le monument, mais une description en est conservée : les gisants en marbre blanc du seigneur de La Rochette et de ses deux épouses, sont entourés de statues : le programme décoratif privilégie des motifs antiquisants, et suggère une influence des grands foyers artistiques de la Renaissance italienne, rare en Savoie occidentale.
Marc de Seyssel-Cressieu (1861-1922), érudit qui a finement étudié les imposantes archives familiales (1900) rapporte :
Le mausolée qui surmontait sa sépulture était, sans contredit, un des plus beaux monuments funéraires qui aient existé en Savoie. Il a été détruit, mais Grillet, dans son Dictionnaire historique (3e vol. p.236), nous en a conservé la description:
« On voyait, nous dit-il, avant la Révolution, au milieu du chœur, un magnifique mausolée en marbre noir, orné de statues en marbre blanc des quatre vertus cardinales, des douze apôtres et de plusieurs génies symboliques; au-dessus étaient placées les statues, de grandeur naturelle, de Louis de Seyssel, comte de La Chambre, et de ses deux femmes, Jeanne de Châlon, morte en 1483, et Anne de La Tour Boulogne, morte le 13 octobre 1512. »
Un manuscrit de l'abbé de Comnène (château de Musin) nous a conservé l'inscription qui se trouvait sur ce tombeau ; nous la reproduisons ici :
« Cy gist très haust puissant et illustre Loys en son vivant comte de La Chambre et
« seigneur viscomte de Maurienne, baron des baronnies de Villars, d'Hurtières, de
« Chasteauneuf, de Barjat, de Sermoyé, seigneur du mont de l'Hullie, de La Rochette, de
« Chamox, de Neyrieu, de saincte Heleine des Millieres, de Noyer et de Morillon : lequel
« trespassa en son chasteau de La Rochette, ayant l'âge de soixante et douze ans le
« dix-septiesme jour de may l'an de grâce mil cinq cents et dix-sept. Prions Dieu qu'en
« Paradis soit l'âme.
« Cy gist très hauste et puissante dame Madame Jeanne de Challon, iadis fille du
« prince Loys d'Orenge et première femme dudict seigneur comte Loys de La Chambre,
« de laquelle il eut une fille qui fut mariée au seigneur d'Aix ; laquelle dame Jeanne tres-
« passa à Chamox, le quinziesme iour de septembre l'an de grâce mil quatre cents
« quatre-vingts et trois. Prions Dieu qu'en Paradis soit l'âme .
« Cy gist très hauste et puissante dame Madame Anne, iadis fille du comte Bertrand
« de Boulogne, laquelle fut mariée en premières noces à très puissant et très excellent prince
« Alexandre, duc d'Albanie, fils du roy d'Escosse, duquel elle eut un fils nommé Jean, et
« depuis fut mariée en secondes nopces audict seigneur Loys, comte de La Chambre, et
« de luy eut cinq fils et une fille. Laquelle dame Anne trespassa au chasteau de La
« Rochette, le treiziesme jour d'octobre l'an de grâce mil cinq cents et douze. Prions Dieu
« qu'en Paradis soit l'âme.
Jean Lullin, un témoin direct, imprimeur à Chambéry, publie ses notes en 1787 (Notice historico-topographique sur la Savoie, suivie d'une généalogie …):
"On voit au milieu du Chœur le magnifique Tombeau en marbre noir de Louis de Seissel, Comte de la Chambre, sur lequel il est représenté couché, avec Jeanne de Chalons et Anne de la Tour d’Auvergne, ses deux Femmes, la première à droite et l’autre à gauche."
Rappelons d'autre part le retable, qui rassemble également le souvenir des deux épouses autour de Louis, à travers leurs blasons.
Et maintenant ?
Que sont devenus les restes après la destruction complète du tombeau par les Révolutionnaires ?
Selon Marc de Seyssel-Cressieu, :
"Cette église [des Carmes], construite par Jean de Seyssel, était, sans contredit, une des plus belles de Savoie. Le chœur seul subsiste aujourd'hui et sert d'église paroissiale ; le tombeau des Seyssel La Chambre était au milieu du chœur, à peu
près sous les marches de la table de communion actuelle [en 1900, ndrl].
En refaisant le carrelage, il y a quelques années, on a mis à découvert le caveau et on a pu constater la présence de nombreux corps.
Bibliographie, Source(s):
Jean LULLIN Notice historico-topographique sur la Savoie, suivie d'une généalogie raisonnée de la
Maison royale de ce nom (1787) Imprimeur J. Lullin à Chambéry (en ligne sur Gallica.fr)
Marc de Seyssel-CRESSIEU La maison de Seyssel : ses origines, sa généalogie, son histoire, Tome 1 (1900)
Corinne CHARLES Stalles sculptées du XVe s., Genève, Duché de Savoie 1999
Coll. F. ELSIG, M.& V. NATALE… La Renaissance en Savoie, les Arts au temps de Charles II (1502-1553), Genève 2002
Sandrine BOISSET La sculpture en Savoie : vers 1480 /vers 1530 Thèse, 2015