La soie à St-Pierre

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En 1875, Victor Barbier (1828-1898) a publié un ouvrage très fouillé (consultable sur Gallica.fr) :
"La Savoie industrielle. Introduction. Industries textiles. Tanneries. Papeteries. Industries diverses"

Dans le tome 1, il consacre 158 pages à la production de la soie en Savoie, depuis 1616, et surtout au 19e siècle.
Les positions de l'auteur, en particulier sur les conditions de travail des femmes et des enfants, surprendront : elles sont très marquées par les mentalités d'une certaine classe à la fin du XIXe siècle...
On trouvera l'ensemble de ces pages transcrit sur ce site dans la rubrique "Pages d'Histoire"
Voici les notes concernant Saint-Pierre d'Albigny


Saint-Pierre-d'Albigny (Savoie), arrondissement de Chambéry, chef-lieu de canton, 3,142 habitants, poste, télégraphe, station P.-L.-M. Culoz-Modane. Au pied du col du Frêne, un des principaux passages des Beauges. Territoire fertile et bien cultivé, commerce actif. Il y avait autrefois des fabriques d'acier et de tulles. Grillet dit que Saint-Pierre, du temps des rois de Bourgogne, devait être une ville assez considérable; il s'appelait Albigny-Ie-Grand, Albiniacum magnum. Henri IV habita Saint-Pierre-d'Albigny en 1600, pendant que Sully assiégeait Montmélian et que l'armée française campait dans les plaines voisines. Non loin de cette ville s'élèvent les ruines du château de Miolans.

Établie en 1865 dans les bâtiments où avait pendant longtemps prospéré la fabrique de tulle fondée par M. Curtet, l'usine de Saint-Pierre-d'Albigny, la plus considérable de la Savoie après celle de Faverges, est aussi une des mieux installées sous le rapport matériel. Elle appartenait primitivement à la maison Breban, Salomon et Cie, de Lyon. Depuis quelques années, elle est passée entre les mains de MM. Audibert, Monin, de la même ville.

Les appareils sont mis en mouvement par un moteur hydraulique (turbine) qui peut développer une force maximum de douze chevaux, et, en outre, par une machine à vapeur horizontale à compresseur (système Kœchlin, de Mulhouse ) de la force de huit chevaux.
Cet appareil est destiné soit à venir en aide, soit à remplacer complètement la turbine si l'eau vient à faire défaut, ce qui arrive quelquefois en été.
Par une heureuse disposition, les arbres de couche qui reçoivent les courroies de transmission qui mettent en mouvement les métiers se trouvent placés dans le sous-sol approprié à cet usage, de telle sorte que les gareurs et graisseurs peuvent les entretenir facilement, sans que les ouvrières aient à y toucher, ce qui permet d'éviter toute espèce d'accident.
Un gazomètre fournit à la fabrique, pour les travaux d'hiver, l'éclairage nécessaire, qui peut être évalué à 10,000 mètres cubes.

Le nombre des ouvriers, mécaniciens, graisseurs, chauffeurs, gareurs, est de dix. Leur salaire est, en moyenne, de 2 fr. 50 centimes. Les mécaniciens et machinistes gagnent habituellement 5 francs par jour.
L'établissement ne s'occupe que du dévidage et du tissage.

Les chaînes arrivent toutes prêtes de Lyon, on n'a plus qu'à les mettre sur le rouleau. Quarante ouvrières sont employées au dévidage. Elles produisent, en moyenne, 500 grammes de soie, et reçoivent 1 fr. 25 centimes par jour.

Les tisseuses sont au nombre de cent soixante-cinq, y compris une quinzaine d'apprenties.
Le salaire moyen, pour une production de 5 mètres d'étoffe, est de 1 fr. 50 centimes. Les apprenties gagnent de 0,50 à 0,75 centimes.

On ne fait, à Saint-Pierre-d'Albigny, que des taffetas noirs unis, qui obtiennent des prix de vente de 6 à 12 francs le mètre. La production annuelle de la fabrique peut être évaluée à 200,000 mètres.
Les métiers, qui sont brevetés, appartiennent au système de M. Travers, qui les a également installés à l'usine de la Boisse.

Les conditions de la vie matérielle des ouvrières, à l'usine de Saint-Pierre-d'Albigny, sont l'objet de soins attentifs de la part des propriétaires. Celles qui ne sont pas de la localité, au nombre de quatre-vingts, sont logées dans l'établissement, dans des conditions de salubrité et d'hygiène qui ne laissent rien à désirer.
Grâce à la création d'un fourneau alimentaire qui fonctionne avec une parfaite régularité, elles peuvent, à des prix très-modiques, et au moyen de jetons de la valeur de 0,05 et 0,10 centimes, se procurer une nourriture saine et suffisamment variée. Celles qui veulent apporter des provisions de chez leurs parents, ont toute facilité pour les faire cuire ou apprêter sans aucune rétribution.

Les heures de travail sont de 5 à 7 en été, et de 6 à 8 en hiver. Deux heures et quart sont accordées pour les repas et le repos nécessaires.
L'air et l'espace ne manquent pas aux ouvrières, qui se trouvent dans d'excellentes conditions.
On ne reçoit pas à l'usine d'enfants avant l'âge de 13 à 14 ans.

Indépendamment des ouvriers employés pour la machine à vapeur, les réparations, le service du gazomètre, etc., l'usine de Saint-Pierre-d'Albigny emploie deux ou trois ouvriers qui sont chargés de finir les pièces, de les lustrer sur une machine spéciale, de les plier et de les emballer, pour les expédier à la maison de Lyon.
Ces hommes gagnent de 2 francs à 2 fr. 50 centimes par jour.
La moyenne des salaires payés par la fabrique peut être de 90 à 100,000 francs.

On peut évaluer à 100,000 kilos la houille nécessaire au gazomètre et à la machine à vapeur. Cette houille vient des mines de la Loire.

Bibliographie, Source(s): 

"La Savoie industrielle. Introduction. Industries textiles. Tanneries. Papeteries. Industries diverses" 1875
par Victor Barbier (1828-1898) (consultable sur Gallica.fr)